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Apprendre la liberté

L’être humain, en Eden, est encore un enfant qui ne connaît aucune des difficultés de la vie. Le père créateur lui donne non seulement la vie, mais tout ce qui est nécessaire à son entretien. Il le place dans un lieu privilégié qui ressemble fort à un jardin d’enfant.

Mais est-il condamné à demeurer dans l’en­fance ? Dieu est-il ce père abusif qui refuse de voir Adam et Eve devenir adultes afin de les garder sous sa dépendance ? Peut-il leur avoir donné l’existence et leur interdire la connaissance ?

Il est nécessaire qu’Adam et Eve secouent cette tutelle paternelle pour grandir et vivre « leur » vie. Il est nécessaire qu’ils inventent leur vie et en prennent le risque et la responsabilité. La rupture avec le père est indispensable à un moment donné de l’existence humaine. Le problème n’est pas dans la rupture, mais dans la façon dont elle est vécue.

La rupture est le passage d’un type de relation, celle d’inférieur à supérieur, à un autre type, celle d’égal à égal. Si ce passage se traduit par une cassure définitive, c’est le péché.

Lorsque, dans le récit, Dieu dit : L’homme quit­tera son père et sa mère, et il s’attachera à sa femme (Gn 2,24), cette parole peut sembler étrange puisqu’Adam n’a ni père ni mère à pro­prement parler. Cela signifie qu’il est dans l’ordre des choses qu’à un moment donné il quitte Dieu, qui est à la fois son père et sa mère, pour vivre en adulte la vie qui lui a été donnée.

Ici intervient l’interdit. L’homme peut le res­pecter ou le braver. Il est libre, mais il lui faut faire l’apprentissage de cette liberté.

Israël libéré de la servitude d’Egypte devra, lui aussi, faire cet apprentissage pendant quarante années au désert. Lui aussi connaîtra l’interdit. Le Décalogue (Ex 20,1-17 ; Dt 5,6-21) se présente sous la forme d’une série d’interdictions. Or il est précédé d’une affirmation capitale qui en précise tout le sens : C’est moi le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude: Tu n’auras pas…, tu ne feras pas…, tu ne te prosterneras pas…, sous-entendu : « Voilà ce qu’il ne faut pas faire si tu veux rester libre ».

C’est là une mise en garde contre la tentation de retourner en Egypte et contre celle de succom­ber aux charmes de Canaan. Pour rester libre, il ne faut vivre ni dans le regret d’un paradis perdu – même si ce paradis est un lieu de servitude -, ni dans l’émerveillement sans critique d’une civilisa­tion nouvelle.

L’interdit de la connaissance semble être d’or­dre pédagogique. Marc Oraison, dans Le mystère de la sexualité, parle de la dimension pédagogi­que de l’interdit. Celui-ci signifie : « Tu ne sais pas tout, tu ne peux pas tout savoir, fais-moi confiance sans comprendre ». C’est la confiance que le père, la mère, le pédagogue demandent à l’enfant.

Mais le père, la mère, le pédagogue savent bien qu’un jour l’enfant saura. Dieu, lui aussi, sait qu’un jour ou l’autre l’interdit sera violé parce qu’il est nécessaire qu’il le soit.

La question est de savoir quand la transgression doit avoir lieu – Adam a peut-être vécu trop tôt sa crise d’adolescence.

Quel aurait été le bon moment ? Le texte ne nous permet pas de répondre, mais il est vrai que l’un des grands problèmes posés à l’homme est celui de sa relation avec le temps. Le temps est sans doute ce qui marque le plus fortement la limite de l’être humain avec ce terme auquel il ne peut échapper : la mort. La tentation est forte de brûler les étapes, de faire vite, d’obtenir tout et tout de suite. Adam n’a pas eu la patience de grandir.

Jacques Chauvin, Dieu a-t-il vraiment dit ? ou le risque de devenir adulte, selon Genèse 3. Editions du Moulin, Aubonne, 1988, pages 62-64.

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Jean Biondina
Coordination Liberté 25-26

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